D’heure en heure, depuis mardi soir, des milliers de gens tentent de joindre par téléphone des parents, des amis ou des associés en Haïti sans trop de succès. Et pour cause, la moitié du réseau téléphonique ne fonctionne plus depuis le séisme et ce qu’il reste de lui est constamment surchargé. Des vingt points de communication entre l’île et le reste de la planète que comptait le réseau, deux sont détruits et huit autres ne sont plus fonctionnels.
Une situation qui ne surprend aucunement les habitués du service. Depuis longtemps, le réseau de télécommunication haïtien avait la pire des réputations dans cette partie de l’hémisphère. Le World Factbook de la CIA américaine le décrivait d’ailleurs bien avant la catastrophe comme l’un des pires réseaux téléphoniques dans les Caraïbes et, surtout, le qualifiait d’inadéquat.
Ce qui explique le faible nombre d’abonnés au service de téléphonie terrestre. En 2003, on dénombrait plus de 140 000 lignes terrestres sur le territoire pour une population de 9 millions d’habitants; en 2008, ce nombre avait fondu à 108 000. Une chute importante qui s’explique par l’arrivée du cellulaire et, surtout, l’arrivée de nouveaux joueurs dans un univers de télécommunication jusque-là réservé et exploité uniquement par le gouvernement.
Aujourd’hui, Haïti compte 3,2 millions d’usagers de téléphones cellulaires. Un succès dû à l’approche concurrentielle des opérateurs Digicel, Comcel et Haitel qui ont popularisé le service en 2006 avec des prix à faire rougir l’opérateur national. Résultat, un Haïtien sur trois possède aujourd’hui un téléphone cellulaire. D’ailleurs, dans les derniers jours, bon nombre des communications en provenance d’Haïti sont arrivées sous forme de petits messages textes envoyés à l’aide de cellulaire. Autant des messages de détresse lancés à des milliers de kilomètres en espérant de l’aide que des messages pour confirmer qu’un proche était hors de danger.
Bien que l’on attribue le succès des communications des derniers jours au réseau Internet, il faut préciser que l’accès à Internet est encore très restreint. Selon les plus récents chiffres de l’Union internationale des télécommunications, une agence des Nations unies, seulement 11 % de la population haïtienne a accès à Internet. En comparaison, leur voisin de la République dominicaine affiche un taux d’accès de 31 % de la population et, à Cuba, 12 % de la population locale a accès à Internet.
Mais ce taux d’accès à Internet devrait augmenter si l’on ajoute à cela l’accès à des outils de communications du Web comme Facebook ou Twitter à partir des téléphones cellulaires. Depuis mardi, ces deux canaux sont submergés par les communications en provenance ou à destination de Port-au-Prince et des alentours. On y cherche des gens, on y prend des nouvelles, on y confirme des renseignements et l’on appelle à l’aide.
Le problème à court terme avec ces technologies, c’est qu’elles nécessitent toutes des appareils pour nous y brancher et, avec le temps qui passe, les batteries se déchargent. À court terme, avec les pannes électriques, les problèmes d’approvisionnement en carburant pour faire fonctionner les génératrices, bon nombre d’utilisateurs de téléphones cellulaires et d’ordinateurs ne pourront plus utiliser leurs appareils pour contacter l’extérieur.
C’est donc dans ce contexte que plusieurs groupes humanitaires sont maintenant sur place. On veut à la fois remettre en marche un système de communication en fonction et, entre-temps, assurer un système de communication parapluie qui pourra permettre aux organismes d’entraide et aux familles de communiquer avec leurs proches pour donner des nouvelles.
Le groupe Télécoms sans Frontières, l’équivalent de Médecins sans Frontières, est sur place depuis quelques jours pour coordonner la mise en place d’un système satellitaire qui permet à nouveau le branchement Internet et cellulaire. Le fabricant Alcatel et l’équipementier Ericsson sont déjà en train de travailler à la mise en place d’un nouveau réseau de communication.
Parallèlement, dans le cybermonde, des entreprises comme Google et Akamai Technologies donnent leur appui logistique. Google en offrant des cartes mises à jour sur Google Earth et un site de recherche pour sinistrés, et Akamai en mettant à la disposition des sites Web d’organismes humanitaires l’ensemble de ses ressources réseau pour répondre à l’afflux des internautes à la recherche de renseignements.